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Les avocats d'Outreau : "Des recommandations de la CIIVISE nous paraissent d'une extrême dangerosité"

12/07/2022

 

Les avocats Frank Berton, Blandine Lejeune, Hervé Corbanesi, Julien Delarue, et Hubert Delarue, avocat honoraire, qui avaient défendu des acquittés dans le scandale judiciaire d'Outreau, alertent sur plusieurs recommandations de la Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants, portant atteinte à la présomption d'innocence, selon eux.

 

PARU DANS MARIANNE, le 16/11/2021, Tribune collective

 

 

À l'approche du vingtième anniversaire du début de l'affaire d'Outreau, nous observons, après la publication du premier Avis de la CIIVISE (Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants), étonnamment intitulé « À propos des mères en lutte », une remise en cause préoccupante de la prise de conscience et de la légitime prudence suscitées par ce séisme judiciaire. L'expert psychiatre Paul Bensussan et notre confrère Delphine Provence se sont exprimés avec justesse et sobriété dans les colonnes de Marianne. Ce qui valut, notamment à Paul Bensussan, des attaques d'une particulière virulence.

 

Les avocats de la défense estiment de leur devoir de réagir à cette mise en cause d'un expert reconnu comme de la vérité judiciaire, jamais acceptée par une frange d'irréductibles militants. Pour l'avoir fait citer devant la Cour d'assises d'appel, nous savons ce qu'a été l'apport de Paul Bensussan dans l'affaire d'Outreau et nous nous devions de répondre aux allégations de certains de ses pairs.

 

DEUX RECOMMANDATIONS POLÉMIQUES

 

Les recommandations de la CIIVISE ont au moins le mérite de la simplicité :


1. « Prévoir la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant »


2. « Suspendre les poursuites pénales pour non-représentation d'enfants contre un parent lorsqu'une enquête est en cours contre l'autre parent pour violences sexuelles incestueuses »


3. Prévoir, dans la loi, le retrait systématique de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour violences sexuelles incestueuses contre son enfant ».

 

Ce dernier point est sans conteste le moins polémique à nos yeux : d'une part du fait que le Code civil, en son article 378, prévoit déjà la déchéance de l'autorité parentale en cas de crime ou délit commis par un parent sur son enfant, qu'il soit auteur ou complice/d'autre part parce que la déchéance, symbolique celle-là, du parent auteur d'inceste n'est pas contestable. Pour autant, nous observerons qu'en proposant de rendre cette déchéance systématique, la CIIVISE prive la juridiction de la possibilité d'adapter la peine à la singularité de chaque situation.

 

 

La radicalité des deux autres recommandations nous paraît en revanche d'une extrême dangerosité. L'avis de la CIIVISE assène en effet qu'il importe « d'en finir avec le déni de la réalité des violences sexuelles faites aux enfants », n'hésitant pas à dénoncer « la totale surdité du service d'enquête sociale aux propos de l'enfant ». Le juge Édouard Durand, coprésident de cette commission « indépendante », n'hésitant pas à affirmer, dans une interview à l'Obs : « Il faut déconstruire le système qui génère l'impunité et aider les mères à protéger les enfants. »

 

En invitant à « croire » les enfants, quelle que soit la façon dont surgit la révélation, ou son contenu, et en entretenant la confusion entre « paroles d’enfants et paroles de mères », le magistrat, sans nul doute mu par la noblesse de la cause, remet en question non seulement les progrès récents dans l'analyse de la fiabilité d'un dévoilement (le terme de « crédibilité » avait été supprimé des questions posées aux experts à la suite du rapport rendu par la Commission d'enquête parlementaire « chargée d'étudier les dysfonctionnements dans l'affaire d'Outreau pour éviter leur renouvellement »), mais surtout le principe de la présomption d'innocence.

 

De même, proposer la suppression immédiate du droit de visite et d'hébergement du parent mis en cause, dédouaner sans discernement le parent accusateur du délit de non-représentation d'enfant, revient à lui donner le pouvoir inédit de punir sans intervention judiciaire, au nom du principe de précaution, ce qui revient à jeter le discrédit sur la capacité de discernement des magistrats.

 

 

Il s'agit à présent, explique l'avis de la CIIVISE, de protéger non seulement les enfants, mais les mères, trop souvent soupçonnées de les manipuler, qui se verraient sanctionnées par l'institution judiciaire pour avoir tenté de protéger leurs enfants, dont l'agresseur jouit d'une impunité. C'est la commission qui vous le dit…

 

Nous voilà revenus à l'avant Outreau… Si les propos des enfants peuvent être sincères et crédibles, cela n'implique pas la confusion systématique entre vérité psychologique (ce que chacun est persuadé d'avoir vécu) et vérité historique (ce qui s'est réellement passé). En évoquant la suggestibilité des victimes, Paul Bensussan n'a jamais parlé de mensonge enfantin dans l'affaire d'Outreau, pas plus d'ailleurs que dans ses publications. Il a d'abord dénoncé les excès et manquements des experts judiciaires, dont l'un a d'ailleurs depuis été radié, ne cessant de réécrire l'affaire… Il a, ensuite et surtout, rappelé la rigueur méthodologique qui devait prévaloir dans le recueil comme dans l'analyse de la parole de l'enfant.

 

Son ouvrage sur les fausses allégations d'abus sexuels dans le contexte de séparations parentales fut d’ailleurs préfacé par Andrée Ruffo, magistrate, présidente et fondatrice du Bureau international du droit des enfants, considérant qu'il était nécessaire, dans ce domaine comme dans tout autre, d'apprendre à distinguer le vrai du faux.

 

Considérer que la fausse allégation est si rare, presque virtuelle, que toute allégation doit être regardée comme vraie, est non seulement contraire aux lois d'une démocratie judiciaire, mais constitue aussi une dérive à laquelle aucun avocat ne saurait se rallier. De surcroît, ces recommandations viennent singulièrement remettre en question la capacité de discernement des magistrats.

 

 

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Blandine Lejeune

Avocate depuis 1987, Blandine LEJEUNE a acquis une solide experience dans la défense pénale des auteurs et victimes d’infractions.

 

Elle s’est très rapidement illustrée dans des dossiers sensibles et médiatiques tels que l’affaire Ida BEAUSSART dans laquelle elle a obtenu l’acquittement de cette jeune fille accusée du meurtre de son père néonazi ; l’affaire d’Outreau ; l’affaire des frères JOURDAIN dans laquelle elle a assisté les quatre familles endeuillées suite au meurtre de leurs filles ; l’affaire dite du THEATRO ; l’affaire du BATACLAN dans laquelle elle assiste de nombreuses victimes ; …

 

Blandine LEJEUNE plaide régulièrement devant les tribunaux correctionnels et les cours d’assises dans la région des Hauts de France, et sur l’ensemble du territoire national.

 

Parallèlement à son activité pénale Blandine LEJEUNE a également développé une grande maîtrise du contentieux familial et des litiges relatifs aux préjudices corporels.

 

Elle est l’auteure d’un essai autobiographique « Une femme parmi les hommes : profession, avocate pénaliste » et de quatre polars, publiés chez Ravet-Anceau, dans la collection « Polars en Nord » : « Embrouilles lilloises »,  « Dernier tango à Lille », « Scandaleuse », « Secret d’automne ».

David Dhote

David DHOTE est titulaire d’un Master II Études Pénales et Criminelles et d’un Certificat d’études pénales et criminelles de l’Institut de Criminologie de Lille.

 

Il intervient principalement au sein du cabinet en droit pénal général, droit pénal des affaires et droit pénal des mineurs, et dans les litiges relatifs aux préjudices corporels.

 

En matière pénale, il assiste les auteurs et victimes d’infractions à tous les stades de la procédure pénale, de l’audition libre ou de la garde à vue, jusqu’aux juridictions de jugement.

 

Il est également aux côtés de Maître Blandine LEJEUNE devant les juridictions pénales et principalement devant les cours d’assises.

 

En matière corporelle, il accompagne aux côtés de Maître Blandine LEJEUNE les victimes du début à la fin du processus d’indemnisation, les préparant et les accompagnant notamment aux expertises.

Thomas Sebbane

Thomas SEBBANE est titulaire d’un Master II Études Pénales et Criminelles et d’un Certificat d’études pénales et criminelles de l’Institut de Criminologie de Lille.

 

Il enseigne le droit pénal général et la procédure pénale au sein de l’Université de Valenciennes, ainsi que le contentieux des étrangers à l’Université de Lille 2.

 

Il intervient principalement au sein du cabinet en droit pénal général, dans les litiges relatifs aux préjudices corporels ainsi qu’en droit des étrangers.

 

En matière pénale, il assiste les auteurs et victimes d’infractions à tous les stades de la procédure pénale, de l’audition libre ou de la garde à vue, jusqu’aux juridictions de jugement.

 

Il est également aux côtés de Maître Blandine LEJEUNE devant les juridictions pénales et principalement devant les cours d’assises.

 

En matière corporelle, il accompagne aux côtés de Maître Blandine LEJEUNE les victimes du début à la fin du processus d’indemnisation, les préparant et les accompagnant notamment aux expertises.

 

Dans le cadre du droit des étrangers, il réalise les démarches nécessaires à l’obtention d’un titre de séjour ou d’un visa, conteste les mesures d’éloignement telles que les obligations de quitter le territoire français, propose son assistance pour les demandes regroupement familial et intervient également en matière de nationalité française.

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